mardi 19 juin 2012

Le chocolat dangereux pour les enfants?

 
"Choisir, c'est renoncer" mais choisir, c'est aussi s'engager pour chercher à changer,au moins ce qui est à notre portée. Il existe des pistes d'améliorations possibles de nos habitudes de consommation , de nos modèles d'organisation , de notre façon de concevoir la santé dans nos écosystèmes.
S'il semble irréaliste de continuer sur la même voie, en comprenant un peu mieux les phénomènes qui régissent nos vies, il est possible de progresser. En contribuant à leur diffusion, nous pouvons décider, ensemble, de ce qui deviendra le "bon" sens commun.


Hummm... En tablette, en pâte à tartiner, en poudre ou en lapins de Pâques, rien que d'y songer, on en a les pailles agacées!Mais les coulisses des filières de fabrication du chocolat sont loin de ressembler aux décors de Charlie et la Chocolaterie, et c'est tout de suite moins appétissant...
Une étude parue sur le travail des enfants en Afrique de l'Ouest- qui produit plus de 70% du cacao mondial- révèle des chiffres glaçants : pour la seule Côte d'Ivoire, plus de 625 000 enfants travaillent dans les plantations de cacao. Avec, bien sûr, des conséquences sur la scolarisation : plus de la moitié de ces enfants (de 6 à 17 ans) ne sont jamais allés à l'école. Certains sont plus exposés que d'autres : l'étude estime que 284 000 enfants travailleraient à la machette et 153 000 en lien direct avec l'utilisation de pesticides dont le plus utilisé pour le cacao est le lindane,  puissant insecticide interdit en Europe depuis 2000, qui présente des effets néfastes sur le foie et les reins ainsi que sur le système nerveux et le système immunitaire. Les cacaoculteurs sont peu et mal formés sur les produits chimiques qu'ils utilisent.
Certes, les plantations de cacaoyer ne sont pas les plus gourmandes en produits phytosanitaires : selon le Ministère de l'Environnement, de l'Eau et des Forêts de Côte d'Ivoire, premier producteur mondial (environ 40% de la production annuelle), les surfaces traitées représentent 5 à 15% des plantations. Il n'en demeure pas moins que 80% des puits et 90% des sols des plantations de cacao sont contaminés.
Et comme si ça ne suffisait pas, la cacaoculture est aussi une des responsables de la déforestation. D'après la FAO, la culture du cacao a fait disparaître près de 10 millions d'hectares de forêt ces 50 dernières années...

Déjà écœurés ? Attendez ça n'est pas fini...
95% de la production mondiale vient de petites exploitations (moins de 3 ha), soit environ 2,5 millions de familles qui vivent du cacao. Ou plutôt qui essaient d'en vivre, car la précieuse fève ne nourrit pas son homme. Le revenu du cacao est tellement faible que les parents n'ont pas d'autre choix que d'enrôler leurs enfants. Dans cette même étude, l'IITA note que le revenu annuel moyen par personne dans le secteur cacaoyer est de 30 à 110 dollars, soit loin en-dessous des 1,25 dollars par jour du seuil de pauvreté...
Cerise amère sur le gâteau, la plupart de ceux qui travaillent dans les plantations de cacao, adultes comme enfants, n'ont jamais goûté de chocolat...

Tout ça pour quoi ? Pour NOUS! en alimenant les marchés européen et nord-américain qui consomment à eux seuls deux tiers du cacao mondial. Et la route est longue jusqu'aux rayons de nos supermarchés avec des millions de producteurs, des millions de gourmands et entre les deux, quelques entreprises qui se partagent le gâteau.
Révisons nos pubs: Milka, Côte d'Or, Crunch, Mars, Snickers, Nutella, ...  Une apparence de variété cachée derrière cinq groupes : Nestlé, Ferrerro, Mars, Kraft Foods et Cadburry, pour près de 60% du marché européen.
Des intermédiaires "invisibles" pour le consommateur mais puissants économiquement. Les cacaoculteurs peuvent difficilement leur tenir tête, d'autant moins qu'ils n'ont généralement aucune visibilité sur les prix du marché. Les producteurs touchent en moyenne moins de la moitié du prix de la tonne de cacao sur le marché mondial, et environ 5% du prix de la tablette de Milka.

Alors quoi ? Plus possible de céder à une folle envie de chocolat sans être torturé par sa conscience ? Rassurez-vous, il suffit de craquer bio et de croquer éthique !
Mais, hélas, la part du chocolat éthique reste ridiculement faible : 0,1% du marché mondial du cacao. Le bio, lui, est un brin au-dessus : 0,5%. Pas très encourageant. Passer à la production bio et équitable pose certaines difficultés pour les producteurs : bouleversement complet du mode de production, coûts de certification, coûts plus élevés à la production (salaire de la main d'œuvre, utilisation réglementée de pesticides, etc.).
Heureusement, il y a de l'espoir. La demande des consommateurs est de plus en plus forte.
Ces dernières années, de grands groupes se sont rapprochés de la voie de l'équitable. Ainsi Kraft Foods s'est allié à Rainforest Alliance en s'engageant d'ici à la fin de l'année 2012, "à utiliser uniquement des graines de cacao provenant de plantations certifiées par Rainforest Alliance pour l'ensemble de ses gammes Côte d'Or et Marabou; une de ses principales marques en Europe du Nord, Cadburry a annoncé en 2009 qu'en Grande-Bretagne, Irlande, Canada, Australie et Nouvelle-Zélande, sa fameuse barre Dairy Milk serait certifiée commerce équitable par l'organisme FLO (pour Fairtrade Labelling Organizations, qui regroupe 24 organisations de certification et de promotion du commerce équitable).

Une question s'impose: Réel tournant éthique ou faire-valoir marketing sur quelques produits bien en vue ?Le "greenwashing" nous guette au coin du bois, ne l'oublions pas, soyons vigilants!
Attention aux effets d'annonce : alors que certains acteurs spécialisés mettent en œuvre des démarches parfaitement cohérentes de commerce équitable, les principaux acteurs du chocolat avaient déjà signé en 2001 le protocole Harkin-Engel, s'engageant à prendre des mesures pour éliminer le travail des enfants dans les plantations de cacao. Onze ans plus tard, les engagements ne sont pas tenus et les enfants cueillent toujours les cabosses de cacao à la machette.

D'après Symphonat n° 18 et quelques "grains de sel" de votre serviteur, Margueritte.

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