vendredi 17 février 2012

TENTATIONS: pourquoi flanche-t-on?




Janvier, c'est le mois de toutes les bonnes résolutions ...
Après les fêtes de fin d'année et leur lot d'excès, chacun s'efforce de déterminer quelques axes prioritaires sur lesquels il cherchera à s'améliorer au cours de la nouvelle année. Bien souvent, plutôt que de changer le monde, il s'agit plutôt de renoncer à quelques mauvaises habitudes.
Mauvaise nouvelle : janvier est également le mois des résolutions non tenues. Une étude menée en 2007 en Grande-Bretagne auprès de 3000 personnes a même estimé leur taux d'échec à 88%.
Par expérience, nous le savons tous. Après quelques jours, au mieux quelques semaines, d'efforts soutenus pour infléchir notre hygiène de vie défaillante (diète, arrêt des toxiques, exercice physique, analyse critique des informations présentées au journal de 20 heures, ...), nous cédons inéluctablement aux pulsions dont nous nous efforcions de nous débarrasser.
Et il y a en fait à cette faiblesse de notre volonté une explication tout à fait rationnelle. C'est à cette conclusion qu'est parvenu l'économiste comportemental Baba Shiv de l'Université de Stanford. L'expérimentation qu'il a conduite sur quelques dizaines d'étudiants volontaires est aussi intéressante dans ses enseignements qu'elle peut sembler loufoque dans ses modalités de mise en oeuvre : ses cobayes ont été répartis en deux groupes. Aux membres du premier, on demandait de retenir un nombre à 2 chiffres. A ceux du second, un nombre à 7 chiffres. Après quoi toutes ces recrues étaient inivitées à se rendre à l'autre bout de la salle, où des encas leur étaient proposés.
Résultat saisissant : ayant le choix entre une salade de fruits et une part de gâteau au chocolat, les membres du second groupe, ceux qui avaient une information plus longue à retenir, ont démontré une propension à se laisser tenter par les sucreries deux fois supérieure à celle des membres du premier groupe. La "charge cognitive" liée aux 5 chiffres supplémentaires était telle que l'esprit conscient des sujets était complètement accaparé par la mémorisation et que, par voie de conséquence, leur cerveau se trouvait incapable de résister à la tentation représentée par une part de gâteau.
Pas étonnant, dans ces conditions, qu'après les fêtes, le retour à une vie quotidienne dans laquelle les préoccupations qui nous assaillent sont innombrables laisse peu de chances à nos fameuses bonnes résolutions.
Face à ce constat désarmant de la faiblesse intrinsèque de notre volonté, les travaux de Walter Mischel menés à la fin des années soixante nous laissent toutefois entrevoir une lueur d'espoir. Les confiseries étant apparemment une grande tradition en recherche comportementale, son expérience demeurée célèbre, le test du chamallow, a consisté à proposer à un enfant de quatre ans de choisir parmi quelques sucreries celle qu'il désirait. Il lui fallait ensuite dire s'il souhaitait la manger immédiatement ou bien s'il était prêt à attendre quelques minutes pour en obtenir une deuxième. Dans la grande majorité des cas, l'enfant choisissait d'attendre et se trouvait donc seul à patienter dans une pièce où ne figuraient qu'une chaise, une table et, face à lui, la sucrerie.
Or ce que cette expérience a permis de comprendre, après avoir observé plusieurs centaines d'enfants soumis au même dilemme, c'est que le maigre échantillon qui réussissait à résister à la tentation dans l'attente de la seconde sucrerie promise disposait non pas d'une volonté plus forte, mais d'une capacité à faire abstraction de la tentation en s'inventant une distraction, une sorte de diversion volontaire.
L'idée qui en ressort est que, sollicités comme nous le sommes en permanence par des tentations de toutes natures, nous sommes bien obligés de reconnaître que, du fait notamment de toutes les tâches qui requièrent notre concentration, notre volonté est éminemment faillible. Résister en permanence à la tentation n'est pas seulement épuisant, c'est impossible. La stratégie à adopter consisterait donc à éluder les tentations, les empêcher même de survenir en ne créant pas les conditions de leur apparition.
Facile à dire ... moins évident à faire, dans une société d'abondance où tout semble voué à être consommé et où la tentation, l'interdit transgressé, procure une satisfaction rapide - quoi que de courte durée - face à l'inconfort ambiant. Mais c'est peut-être là, précisément, que se joue notre capacité à être heureux : en ignorant tous les appels à combler impulsivement la distance qui nous sépare de ce qui nous tente, nous nous donnons la chance d'être bien, aujourd'hui, avec ceux qui nous entourent.
Références :
présentation de Baba Shiv sur le site de l'Université de Stanford (en Anglais)
présentation de Walter Mischel sur le site de l'Université de Stanford (en Anglais)
vidéo rafraîchissante illustrant la fameuse expérience du chamallow sur YouTube (en anglais)

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