lundi 23 avril 2012

Trop de choix tue-t-il le désir ?


Consommation, vie privée : nous avons la liberté de choisir. Est-ce réellement un privilège?Lancés dans une éternelle quête du meilleur, nous sommes stressés par le « trop ».
Supplice de pays riches : l'embarras du choix ! Des milliers d'appareils ménagers, de marques de céréales ou de yaourts, de modèles de voitures,de filières scolaires , de sources d'informations,de formes de vacances, etc à tout instant, il nous revient de décider ce que nous allons choisir et cela
est devenu un exercice difficile !
C'est notre liberté, notre privilège, pensons-nous mais face à la multitude des options, nous sommes désemparés . Dans cette époque dérégulée, individualiste, on se voit de moins en moins dicter sa conduite par sa famille, son village et toute la vie est sous le règne de l'hyper-choix , analyse le philosophe gilles Lipovetsky, professeur à l'université de Grenoble. Dans le monde actuel, libéré d'un cadre contraignant, on a le sentiment de toujours pouvoir choisir, une impression d'illimité ». Tout est a priori ouvert mais cette liberté-là a pourtant un coût.
Celui de notre temps déjà ; Hyperchoix mais l'hypertemps, lui, n'existe pas. Nos journées font obstinément 24 heures et c'est notre temps libre qui fait les frais de l'opération. Les pays riches commencent à se rendre compte que plus de choix ne correspond pas nécessairement à plus de bonheur. L'homo oeconomicus censé raisonner « utile » est bien dépourvu devant 117 modèles de machines à café à l'heure de la pause déjeuner ! Il y sacrifiera donc son samedi, cherchant le meilleur rapport qualité-prix, pesant longuement le pour et le contre de chaque modèle. Notre erreur est de rechercher ce qui est soi-disant le meilleur car quand on pense qu'il existe quelque part un choix meilleur, on est forcément déçu par le nôtre. On veut « ce qu'il y a de mieux » ! Devant l'abondance des possibles ( la meilleure école, le meilleur chirurgien...), on est prié de dénicher le Graal !
La diversification des choix répond aussi à notre prétention d'être unique et on choisit tout : mariage ou pas, divorce ou pas, enfants ou pas,... Le choix du conjoint est lui aussi soumis à ce dogme : trouver l'idéal ! L'homme ou la femme parfaite ! Qui n'existe pas ; alors on se sépare et on cherche « mieux » ! D'après l'INSEE, un adulte sur 3 vit seul en France, 1 sur 2 à Paris.
On se rappelle la fameuse histoire de l'âne de Buridan, mort de faim et de soif entre son picotin et son seau d'eau, faute d'avoir pu décider par lequel commencer . Et l'être humain fait à peine mieux. Notre cerveau est désemparé ; le lobe frontal, celui qui prend les décisions est apparu plus récemment dans l'ordre de l'évolution ; plus que la partie postérieure qui gère les routines ; sa capacité est plus limitée ; on sait gérer plusieurs tâches ( se lever puis se brosser les dents) mais devant de nouvelles décisions à prendre, nos neurones s'affolent ;ils savent examiner 3 ou 4 choix en parallèle, pas plus et finir sur un choix binaire( cf E. Koechlin, chercheur à 'INSERM, spécialiste des neurosciences cognitives).Nous nous croyons libres comme l'air mais nous sommes limités par nos capacités physiologiques d'arbitrage.
Une recherche de l'université de Columbia est révélatrice : dans une épicerie, une chercheuse a installé un étal avec 6 variétés de confitures ; peu d'affluence mais 30% des personnes venues ont acheté. Même expérience avec 24 pots différents. Succès, clients ravis mais surprise : 3% ont acheté !Le succès planétaire du smartphone d'Apple tient -il à cela ? Offrir très peu de déclinaisons.....
S'arracher les cheveux au rayon surgelé, pas grave ; mais se sentir obligé de s'interroger sur ses choix à toutes les étapes de l'existence est un facteur de stress doublé d'un indice de crise. Les dépressions , les visites chez le psy augmentent en flèche malgré le confort et la forte consommation des habitants des pays riches ; une raison possible serait qu'ils sont accablés par le nombre de choix qu'il leur revient de faire et que, constamment, ils ont la sensation que les décisions qu'ils prennent ne sont pas les meilleures.
Avoir des limites est tellement plus confortable !
Certains se protègent en s'inventant des contraintes : vivre « slow » décroissance, recyclage, locavores, aliments de saison.... Un comportement éthique, certes, mais aussi une solution pour retrouver le confort d'un univers redevenu gérable associé à la satisfaction de bien faire.
Etre heureux face à l'hyperchoix, c'est remettre l'abondance à sa juste place : un luxe délicieux à condition d'être capable de s'en passer.

POUR SE RECONCILIER AVEC SES CHOIX :
Le choix est une liberté précieuse, à condition de ne pas se laisser piéger par la multiplicité des options et les occasions de regrets qui en découlent.
Faire des arbitrages sereins : cesser de rechercher ce qu'il y a de mieux car s'imaginer qu'il existe un choix idéal ( le mari parfait, la voiture zéro-défaut) c'est s'encombrer de la crainte de faire un choix « sous-optimal » et donc se tromper.
Connaître ses envies et ses besoins ; la bonne décision, c'est celle qui répond à des aspirations « justes ».
Faire confiance aux autres : consulter internet avec ses nombreux sites qui recueillent l'avis des consommateurs .

Source : résumé de la revue CLES, avril/mai 2012

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire