Consommation, vie privée : nous
avons la liberté de choisir. Est-ce réellement un privilège?Lancés
dans une éternelle quête du meilleur, nous sommes stressés par le
« trop ».
Supplice de pays riches :
l'embarras du choix ! Des milliers d'appareils ménagers, de
marques de céréales ou de yaourts, de modèles de voitures,de
filières scolaires , de sources d'informations,de formes de
vacances, etc à tout instant, il nous revient de décider ce que
nous allons choisir et cela
est devenu un exercice difficile !
C'est notre liberté, notre privilège,
pensons-nous mais face à la multitude des options, nous sommes
désemparés . Dans cette époque dérégulée, individualiste, on se
voit de moins en moins dicter sa conduite par sa famille, son
village et toute la vie est sous le règne de l'hyper-choix ,
analyse le philosophe gilles Lipovetsky, professeur à l'université
de Grenoble. Dans le monde actuel, libéré d'un cadre contraignant,
on a le sentiment de toujours pouvoir choisir, une impression
d'illimité ». Tout est a priori ouvert mais cette liberté-là a
pourtant un coût.
Celui de notre temps déjà ;
Hyperchoix mais l'hypertemps, lui, n'existe pas. Nos journées font
obstinément 24 heures et c'est notre temps libre qui fait les
frais de l'opération. Les pays riches commencent à se rendre
compte
que plus de choix ne correspond pas nécessairement à plus de
bonheur. L'homo oeconomicus censé raisonner « utile »
est bien dépourvu devant 117 modèles de machines à café à
l'heure de la pause déjeuner ! Il y sacrifiera donc son samedi,
cherchant le meilleur rapport qualité-prix, pesant longuement le
pour et le contre de chaque modèle. Notre erreur est de rechercher
ce qui est soi-disant le meilleur car quand on pense qu'il existe
quelque part un choix meilleur, on est forcément déçu par le
nôtre. On veut « ce qu'il y a de mieux » ! Devant
l'abondance des possibles ( la meilleure école, le meilleur
chirurgien...), on est prié de dénicher le Graal !
La diversification des choix répond
aussi à notre prétention d'être unique et on choisit tout :
mariage ou pas, divorce ou pas, enfants ou pas,... Le choix du
conjoint est lui aussi soumis à ce dogme : trouver l'idéal !
L'homme ou la femme parfaite ! Qui n'existe pas ; alors on
se sépare et on cherche « mieux » ! D'après
l'INSEE, un adulte sur 3 vit seul en France, 1 sur 2 à Paris.
On se rappelle la fameuse histoire de
l'âne de Buridan, mort de faim et de soif entre son picotin et son
seau d'eau, faute d'avoir pu décider par lequel commencer . Et
l'être humain fait à peine mieux. Notre cerveau est désemparé ;
le lobe frontal, celui qui prend les décisions est apparu plus
récemment dans l'ordre de l'évolution ; plus que la partie
postérieure qui gère les routines ; sa capacité est plus
limitée ; on sait gérer plusieurs tâches ( se lever puis se
brosser les dents) mais devant de nouvelles décisions à prendre,
nos neurones s'affolent ;ils savent examiner 3 ou 4 choix en
parallèle, pas plus et finir sur un choix binaire( cf E.
Koechlin, chercheur à 'INSERM, spécialiste des neurosciences
cognitives).Nous nous croyons libres comme l'air mais nous sommes
limités par nos capacités physiologiques d'arbitrage.
Une recherche de l'université de
Columbia est révélatrice : dans une épicerie, une chercheuse
a installé un étal avec 6 variétés de confitures ; peu
d'affluence mais 30% des personnes venues ont acheté. Même
expérience avec 24 pots différents. Succès, clients ravis mais
surprise : 3% ont acheté !Le succès planétaire du
smartphone d'Apple tient -il à cela ? Offrir très peu de
déclinaisons.....
S'arracher les cheveux au rayon
surgelé, pas grave ; mais se sentir obligé de s'interroger sur
ses choix à toutes les étapes de l'existence est un facteur de
stress doublé d'un indice de crise. Les dépressions , les visites
chez le psy augmentent en flèche malgré le confort et la forte
consommation des habitants des pays riches ; une raison possible
serait qu'ils sont accablés par le nombre de choix qu'il leur
revient de faire et que, constamment, ils ont la sensation que les
décisions qu'ils prennent ne sont pas les meilleures.
Avoir des limites est tellement plus
confortable !
Certains se protègent en s'inventant
des contraintes : vivre « slow » décroissance,
recyclage, locavores, aliments de saison.... Un comportement
éthique,
certes, mais aussi une solution pour retrouver le confort d'un
univers redevenu gérable associé à la satisfaction de bien faire.
Etre heureux face à l'hyperchoix,
c'est remettre l'abondance à sa juste place : un luxe délicieux
à condition d'être capable de s'en passer.
POUR SE RECONCILIER AVEC SES CHOIX :
Le choix est une liberté précieuse, à
condition de ne pas se laisser piéger par la multiplicité des
options et les occasions de regrets qui en découlent.
Faire des arbitrages sereins :
cesser de rechercher ce qu'il y a de mieux car s'imaginer qu'il
existe un choix idéal ( le mari parfait, la voiture zéro-défaut)
c'est s'encombrer de la crainte de faire un choix « sous-optimal »
et donc se tromper.
Connaître ses envies et ses besoins ;
la bonne décision, c'est celle qui répond à des aspirations
« justes ».
Faire confiance aux autres :
consulter internet avec ses nombreux sites qui recueillent l'avis
des
consommateurs .
Source : résumé de la revue
CLES, avril/mai 2012
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire