lundi 23 avril 2012

Le pouvoir dans le ticket de caisse

Qui a inventé le terme de « consomm'acteur » ? Le réseau Biocoop peut-être, mais qu'importe ! La notion est riche : à la fois réaction à la consommation passive à laquelle nous sommes conviés par la société et prise de responsabilité par notre acte d'achat: J'AGIS par mes choix : ce que j'achète, à qui je l'achète, où je l'achète.
Cesser d'être un pousse-caddy à la merci des bonimenteurs, quelle satisfaction!Personnelle car je cesse alors d 'être manipulé et je retrouve ma liberté et collective: j'oriente par mes achats des choix politiques.
Comparons deux démarches.
Dans la première, je verse 5€ pour un pain né de nobles matières premières, respectueux de celui qui a fait pousser le blé, de celui qui l'a confectionné et de celui qui me l'a vendu.
Dans la deuxième, je verse 3€ pour un pain raffiné,sans âme, issu à tous les bouts de la chaîne du travail d'individus mal payés et non- reconnus.
Comment ignorer la terre dans laquelle le blé a poussé,sa matière,son odeur? Comment ignorer le paysan qui l'a cultivée, ensemencée, qui a l'amour de sa terre et de ce qu'il y récolte.
Comment ignorer le boulanger - le même parfois- qui a sélectionné les meilleures farines, amputé ses nuits de sommeil pour nous offrir le meilleur ?
Et enfin comment ignorer le commerçant qui a choisi son fournisseur et qui est fier de proposer un produit dont le prix a été calculé dans le juste respect du travail de tous les acteurs du circuit?
Rappelons-nous le film de Charlie Chaplin, «Les temps modernes» qui préfigurait le travail à la chaîne, sans joie, sans initiative, déshumanisé. Est-ce de ce pain-là que nous voulons manger?

Des slogans ont fleuri il y a peu d'années: «Nos emplettes sont nos emplois» ou bien encore «l'éthique est sur l'étiquette» car, avant de passer à la caisse, ayons quelques réflexes:Ce pull qui me tente a été fabriqué où? Quid du travail des enfants ou des travailleurs exploités dans des conditions indignes et dangereuses? Quid de son empreinte écologique?Ce gigot qui me tente a vécu comment sa vie de future viande? Quid de son alimentation et de sa souffrance?Tel produit a quel impact sur la santé et sur la planète? Et l'argumentaire pour me le vendre est-il solide et fiable? N'est-ce-pas du «greenwashing», cette récupération marketing qui ripoline tout en vert .Ce verdissement prospère grâce à la manipulation publicitaire .Il suffit , Mesdames ,de regarder avec un peu d'attention les rayons hygiène et cosmétique: du vert, des arbres, la mer, des fleurs, des galets,n'en jetez plus! Et encore une couche de vert si vous n'êtes pas convaincus! Beaucoup de suggestions assorties de fausses allégations... Lisons les étiquettes.

Dans les années 80, je me rappelle d'une campagne contre l'Apartheid; il s'agissait de boycotter les oranges Outspan et les avocats d'Afrique du Sud récoltés dans les conditions que vous savez. Ce fut mon premier acte bien modeste de consomm'actrice; mot ignoré à l'époque mais l'idée que nos choix ,même alimentaires, pouvait avoir une influence politique émergeait alors.
On voyait sur les murs de nos villes cette affiche qui me choquait fort: des presse-agrumes avec une orange «Outspan» remplacée par le dessin de la tête effarée car pressée d'un petit enfant noir; et ce n'était pas du jus qui giclait mais du sang.

Nos achats ne sont pas anodins;s' ils sont le reflet de notre personnalité et de notre milieu socio-professionnel , ils peuvent aussi être le fruit d'une démarche citoyenne volontaire, un acte éminemment politique .
On peut toujours se dire « bof, de toutes façons... » et ne rien faire pour influer sur la marche du monde. C'est peut-être dommage...

Lectures et sites pour aller plus loin :
Hold up sur l'écologie de S. Kerckhove ed, Yves Michel
Je vais en noter d'autres....

1 commentaire:

  1. Bravo pour cet article!
    Je pense souvent qu'il devrait exister des cours pour acheter propre et sain et ensuite que cela devienne naturel, sans effort; les politiques n'en parlent pas alors qu'ils se chamaillent comme des gamins, désolant...
    Je me suis permis d'envoyer le lien sur tweeter.
    Un grand plaisir ce blog, qu'il continue son cheminement..

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